Pierre Manent
L’an dernier, à l’occasion du quatrième centenaire de la naissance de Blaise Pascal (1623-1662), Pierre Manent retraçait son œuvre pour y retrouver les marques de la possibilité de la foi chrétienne. Le titre même de l’ouvrage de Manent, Pascal et la proposition chrétienne, reflète la position de Pascal que « le christianisme n’est pas une « opinion » sur Dieu et l’autre monde parmi d’autres religions, mais un rapport à Dieu par Jésus-Christ, qui inclut un rapport à soi et aux autres hommes ».
Manent aborde donc au prisme de Pascal un certain nombre de thèmes exigeants, l’existence de Dieu, les preuves de son existence, le rapport entre la grâce divine et la liberté humaine et enfin le pouvoir de l’Évangile de libérer l’homme de sa propre misère.
Les Pensées et les Provinciales
Les lecteurs qui auront effectué leur scolarité armés des manuels de Lagarde et Michard se souviendront des pages que le volume dédié au XVIIe siècle accorde aux Pensées et aux Provinciales de Pascal. Dans ces dernières, une série de lettres fictives, Pascal croise le fer avec les Jésuites, confesseurs influents des puissants. Les Jésuites, qui visent à réduire l’écart entre la façon dont les hommes vivent et celle dont ils devraient vivre, pratiquent un ministère complaisant « qui fait de l’exception une règle sans exception de sorte qu’ils (les Jésuites) ne veulent plus même que la règle soit en exception ».
Pour faire valoir son argumentation, Pascal s’empare du cas de l’homicide, l’interdit le plus fondamental qui soit; il reproche aux Jésuites d’introduire la distinction entre l’action (tuer) et l’intention (par exemple laver son honneur au cours d’un duel) qui invite à son tour à laisser de côté l’intention et à la remplacer par une interprétation arbitraire que tout homme peut proposer à Dieu, ici avec l’assentiment des Pères jésuites, voire à leur suggestion. Quatre cents ans plus tard, les régimes totalitaires s’empareront avec enthousiasme de cette casuistique qui leur permet de se débarrasser des vieux, des infirmes, des Juifs, des croyants sans enfreindre une morale érigée de leurs propres mains qui leur accorde sa propre absolution. Déjà Nietzsche, dans la préface d’Au-delà du Bien et du Mal « observait que le jésuitisme était une tentative grandiose de détendre le magnifique arc de la tension spirituelle entre foi et raison ».
Grandeur et Misère de l’Homme
En juin dernier le Pape François a rendu hommage à Pascal par le biais d’une lettre apostolique « Grandeur et Misère de l’Homme » où il souligne l’austère intransigeance du mathématicien devenu philosophe face à la vanité que propose le monde. On peut y voir une manifestation de ce que le Pape François appelle lui-même la théologie contextuelle, qui accueille tout le monde et où l’exception bannit la règle (y compris la loi juive). Face à une religion à bon marché qui offre le pardon sans pénitence, chez Pascal le fait central demeure le sacrifice du Christ qui rachète l’humanité au prix fort, celui de sa propre vie.
La Nouvelle Ligne se souvient qu’adolescent elle trouvait la lecture de Pascal exigeante. Adulte elle conserve cette appréciation et juge que l’ouvrage de Pierre Manent l’est tout autant. Manent ne vise pas du tout à rédiger une biographie de Pascal ni même à exposer sa pensée mais à aborder des questions fondamentales de philosophie à la lecture toujours actuelle de l’œuvre du grand génie catholique. « Pascal et la proposition chrétienne » s’adresse donc plutôt à un public savant qu’à un lectorat généraliste, au sein duquel se range La Nouvelle Ligne, qui juge sa lecture ardue.
Pierre Manent : Pascal et la proposition chrétienne, Grasset 2022,
Merci de ce partage. Vous avez raison la lecture de Pascal est ardue, même si ce qu’il souhaite démontrer est d’une logique mathématicienne !
De mon côté, je suis persuadé que la Foi, c’est simplement avoir une confiance totale en Dieu, quoiqu’il vous arrive !
Bonjour !
Se parer du manteau « La Nouvelle Ligne » pour exposer une vue personnelle me semble être un procédé douteux et/ou assez prétentieux.
Faire la revue d’un livre dont on vante l’intérêt intellectuel mais garantit l’illisibilité est encore plus douteux, d’autant que, pour une fois, « La Nouvelle Ligne » y trouve l’occasion de féliciter le Pape François.
Un soupçon de vraie modestie ne ferait probablement aucun tort à Monsieur de la Barre qui, par ailleurs, sait attirer l’attention sur des points souvent ignorés du citoyen ordinaire (belge en Belgique), dont je suis.