La Guerre du Vietnam en chansons
On commémorait il y a quelque temps le 50e anniversaire de la chute (ou de la libération, selon les points de vue) de Saïgon, qui marquerait la fin de la Guerre du Vietnam. S’il n’y a pas de date précise quant à son déclenchement, on peut noter qu’à partir de 1964, le Président Johnson y envoie des troupes combattantes, plutôt que de simples conseillers militaires. La Guerre du Vietnam allait profondément marquer la société américaine et y imprimer des transformations, dont la musique de ce temps-là s’est fait l’écho.
Dès 1963, Bob Dylan, alors âgé de 22 ans à peine, compose Masters of War. Avec son talent pour la scansion, il s’exprime en des paroles sanglantes à l’encontre du complexe politico-militaire (selon l’expression du Président Eisenhower). Certes la chanson, qui s’inscrit dans la foulée de la crise des missiles de Cuba, ne traite pas explicitement de la guerre du Vietnam, mais Dylan déjà se révèle en avance sur son temps. Il donne le la pour ce qui va suivre. Plusieurs thèmes vont émerger, parmi lesquels La Nouvelle Ligne relève les suivants.
Une guerre incomprise
Guerre impopulaire, celle du Vietnam fait naître un vif mouvement d’opposition à l’envoi de soldats américains, 3,5 millions au total en moins de dix ans. A Woodstock, Country Joe McDonald invite les auditeurs à s’y opposer de manière très crue. Leonard Cohen quant à lui, s’exprime avec davantage de délicatesse dans Story of Isaac, mélange de repères bibliques et de protest song, où il dénonce les pères qui sacrifient leurs fils.
C’est todi les p’tits k’on spotche, dit un proverbe wallon ; avec Fortunate Son, Creedence Clearwater Revival se saisit de ce sentiment d’injustice qui traverse tout le pays car ce sont les petits effectivement qu’on envoie à la guerre et pas le fils de sénateur de la chanson ni les étudiants qui peuvent échapper à la conscription le temps de leurs études. Et puis, si on ne peut empêcher l’envoi de troupes au Vietnam, et bien, il faut avec Peter Seeger et Bring them home réclamer leur rapatriement.
Dee la Guerre du Vietnam à toutes les guerres
La guerre du Vietnam rappelle soudain que la guerre tout court appartient au lot universel de l’humanité. En 1965, Donovan fait de Universal Soldier un tube qui évoque les soldats de tous âges, de tous pays et de tous temps qui tuent, armés d’une lance ou d’un fusil, espérant mettre fin à toutes les guerres. En 1968, The Doors tirent le soldat inconnu de sa tombe avec Unknown Soldier, mélange hallucinatoire de musique, de poésie, de fusillade et des cris de la foule qui célèbre, pense-t-elle, la fin de la guerre.
Aucune société ne demeure indemne des conséquences de la guerre, même lorsqu’elle se déroule sous des latitudes lointaines, mais que la télévision importe aussitôt dans les foyers. Un seul coup de feu nous sépare de la guerre chantent les Rolling Stones dans Gimme Shelter en 1969. Et lorsqu’on en vient à tirer ce coup de feu, il fait des morts, quatre morts qui gisent à terre sur le campus de la Kent University, dont Crosby, Stills, Nash & Young chantent toute la douleur avec Ohio en 1971.
La guerre cependant n’affecte pas que les belligérants mais l’humanité tout entière. Dès 1965, Barry McGuire nous décrit avec vigueur le monde à venir qui se tient pas tant au bord du gouffre qu’à la veille de sa disparition ; Eve of Destruction suggère en termes lyriques non seulement la disparition du monde physique mais surtout la perte d’humanité qui en découle. Et lorsque la destruction atomique sera venue, alors resteront quelques-uns qui errent sur des Wooden Ships, chantés par tant par Crosby, Stills, Nash & Young que par Jefferson Airplane à Woodstock en 1969, et qui se demandent en vain « qui a gagné ? ». Et alors il ne restera que ce que The Doors nomment à juste titre The End.
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