Mélange de récit et de recherche académique très fouillée, Costa Vayenas, un professionnel de la finance établi à Zurich, livre ici une histoire du franc suisse.
De la finance conjuguée à l’histoire
Vayenas est non seulement un professionnel qui maîtrise la macro-économie, les flux commerciaux et de capitaux, les taux de change, les réserves d’or et de devises détenues par les banques centrales, mais se révèle aussi un connaisseur avisé de l’histoire de la Suisse.
Aussi, fait-il montre d’un réel talent pour placer les enjeux auxquels fait face l’économie suisse aujourd’hui dans le temps long de l’histoire de la Confédération. Petit pays, la Suisse dépend du commerce extérieur pour assurer sa croissance et sa prospérité. Hier elle exportait des services en matière de défense, plus connus comme les mercenaires, les gardes et les régiments suisses, dont les gages étaient payés dans la devise de leur employeur, ici le Roi de France et là le Pape ; aujourd’hui, si elle exporte des montres et des produits pharmaceutiques, son modèle d’affaires est au fond demeuré le même. Hier comme aujourd’hui, l’excédent de la balance courante (biens et services), permet à la Confédération d’engranger des réserves, à savoir des créances sur l’étranger, et de fonctionner en qualité d’un sovereign wealth fund qui ne dit pas son nom.
Des voisins encombrants
L’histoire de la Suisse et de sa monnaie est aussi celle des relations avec ses puissants voisins, le Royaume de France et le Saint-Empire alors, l’Union Européenne aujourd’hui. Les Bilatérales III, sans cesse remises sur le tapis, ne sont au fond que la manifestation moderne de la Paix Perpétuelle conclue pour la première fois en 1516 et renouvelée à maintes reprises.
Neither a borrower or a lender be
Sans doute l’âme du gnome de Zurich l’incitera toujours à se retrouver dans la position du créancier plutôt que dans celle du débiteur ; cependant, cette position, confortable à première vue, entraîne avec elle son lot d’inconvénients. Que faire dès lors que le Président Trump s’efforce de dévaluer le dollar, la devise dans laquelle sont libellées une partie des réserves de la Banque Nationale Suisse (BNS) ? Et que dire des assignats, cette fiat currency émise par la Première République française en lieu et place de l’or du roi déchu ?
Les lecteurs avisés reconnaîtront en couverture le taux de change USDCHF exprimé sur plus de deux siècles. L’appréciation du franc suisse, en particulier depuis l’abandon de la convertibilité du dollar en or par le Président Nixon en 1971, repose toujours sur la part importante de réserves en or détenue par la BNS.
La force des institutions
Mais surtout, elle est le reflet de la conviction dans le chef des investisseurs que la BNS se situe à l’abri de pressions qu’exerceraient le Conseil Fédéral ou le Conseil National. Il ne s’agit pas ici de vertus mais d’institutions car, à la différence mettons des Etats-Unis ou de la France, le pouvoir exécutif en Suisse s’exerce au sein d’un organe collectif qui ignore les hommes forts ou, du moins, les absorbe dans le doux anonymat du sein maternel d’Helvetia.
Une histoire du franc suisse qui s’étend ternte ans dans l’avenir, jusqu’en l’an 2055? Oui, c’est l’échéance maximale des taux de change à terme, estimés sur base des cours actuel du Long Bond US et du Confédération 30 ans. You have been warned.
Costa Vayenas, The Swiss franc from 1798 to 2055. Brugg: 2025, 175 pages






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