“Ist der Handel noch so klein, bringt er mehr als Arbeit ein”, dit un dicton allemand. Aussi petit que soit le commerce, il rapporte davantage que le travail, entendu ici comme industrie ou service.
Anvers -la Babylone de l’Europe
Ce dicton s’applique sans ambages à la ville d’Anvers au XVIe siècle, qui concentre en son sein le commerce mondial pour la période qui s’étend du déclin de Bruges à la prise de la ville par Alexandre Farnèse en 1585 et l’exil de ses élites calvinistes au profit d’Amsterdam.
Publié en anglais en 2021, Michael Pye livre sous le titre Antwerp, the Glory Years un récit touchant de la ville d’Anvers en ces temps-là, d’avantage un portrait de ses habitants et de leurs activités qu’une nouvelle histoire des guerres de religion dans les Pays-Bas habsbourgeois.
Le commerce, source de toute richesse
Il n’y a en effet pas de commerce qui soit trop petit pour Anvers en son siècle d’or : la laine d’Angleterre, les épices originaires de ce nouveau monde fraîchement découvert, mais aussi les livres imprimés par Christophe Plantin et les tableaux de l’école maniériste, au sein de laquelle se distinguent Jan de Beer ou encore Jan van Dornicke. C’est du reste à Anvers qu’est érigée en 1531 la première bourse de marchandises au monde.
Mais le commerce ne s’arrête pas à ses murs car à Anvers tout se négocie, le sexe, la connaissance, les informations, les secrets et, bien entendu, l’argent. Aussi, tant les Médicis que la dynastie des Fugger se doivent d’avoir leurs hommes dans la ville, aux côtés des marchands venus d’Angleterre, de la Hanse, du Portugal ou de Venise. Dans le duché de Brabant, le prince ou son lieutenant siège à Bruxelles tandis qu’avant 1561, la ville ne dispose pas même d’un évêque ; à Anvers, c’est le commerce qui fait la ville, qui en constitue l’âme même.
D’une plume élégante, en vue de dresser le portrait de la ville, Pye s’appuie sur des sources aussi variées que la ville elle-même, des lettres, des inventaires, des comptes, les édits de Charles-Quint et de Philippe II, la correspondance des ambassadeurs qui rapportent tout ce qui s’y passe à leur prince. L’auteur a le talent de savoir saisir un détail, un livre ou en tableau, pour en tirer une histoire qui nous touche à cinq siècles de distance.
La Réforme protestante
Puis vint la Réforme, luthérienne d’abord, calviniste ensuite, que l’empereur puis le roi jugent de leur devoir de combattre. Le catholicisme indolent, à la fois chéri et décrié, cède le pas à la dispute ; sur le plan politique au gouvernorat de Marguerite de Parme succède celui du duc d’Albe et avec lui ce qu’on appellera plus tard la Guerre de Quatre-Vingts Ans.
Le propos de Pye n’est pas de raconter l’histoire de cette guerre dont le terme dépasse du reste celui de son livre. Il lui suffit de noter que rien n’est plus préjudiciable au commerce que la guerre, davantage encore lorsqu’elle s’accompagne du blocus de l’Escaut. La prise de la ville en 1585 par Alexandre Farnèse à l’issue d’un long siège signe la fin de ce siècle d’or. Jusqu’à sa chute, Anvers avait été le centre du monde, le lieu où tout se pensait, Dieu, les hommes, les choses, presqu’une abstraction dont le reste de l’humanité a appris à se passer avec l’ascension d’Amsterdam.
En novembre 2024, les Éditions Nevicata ont publié une traduction française du livre de Pye sous le titre La Babylone de l’Europe, et qu’on doit à la plume de Guillaume Villeneuve qui a su rendre l’élégance à la fois du ton et du style de l’auteur.
Michael Pye, La Babylone de l’Europe, Éditions Nevicata, 2024.
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