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Astérix, la Gaule et les Français

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On doit à Napoléon III l’émergence de l’intérêt pour l’histoire de la Gaule, et dont témoigne l’érection en 1865 d’une statue de Vercingétorix sur le site d’Alésia. Cependant c’est sous la IIIe République que fleurit la relation mythique aux Gaulois, proclamés ancêtres des Français. Le contexte de l’éclosion de ce mythe n’est pas difficile à établir : de même que les Gaulois sont défaits par Jules César, la France est battue par les Prussiens en 1870, qui l’amputent d’une partie de son territoire.

Sous l’Ancien Régime, les rois de France s’inscrivaient dans la lignée de la descendance de Clovis, roi franc baptisé et sacré par saint Rémi à Reims vers la fin du Ve siècle. Mais voilà, les Francs sont un peuple germanique, auquel on associe désormais les Allemands du XIXe siècle ; dans le contexte politique d’alors les Francs ne peuvent donc plus faire l’affaire en qualité d’ascendants légendaires, si bien que la jeune République ira puiser ailleurs, dans les fraîches fouilles d’Alésia, des ancêtres de substitution ; ce seront donc les Gaulois. 

Comme les Français après Sedan, les Gaulois, bien que défaits, sont réputés demeurer fiers, vaillants et tenaces. Bien plus, ils sont censés avoir formé une nation, matrice de la nation française, alors qu’ils ne formaient en réalité qu’un ensemble de peuplades établies grosso modo entre le Rhin et les rives de la Méditerranée, sans pour autant constituer un ensemble politique.

Lorsque paraît le premier album d’Astérix en 1958, ses auteurs, Goscinny et Uderzo, âgés alors de 33 et 32 ans sont bien les enfants de cette éducation républicaine. Que Goscinny soit d’ascendance polonaise et ait grandi en Argentine et qu’Uderzo soit d’origine italienne, et que leurs ancêtres, au même titre que ceux des petits africains, soient les Gaulois, prouve bien que cette ascendance relève du mythe national plutôt que de la génétique. 

A ce mythe des origines, les deux auteurs vont mêler celui de la France résistante. De l’avis de La Nouvelle Ligne, le village gaulois (qui n’a pas de nom) tient lieu de France Libre, tandis que le chef gaulois Abraracourcix lève les bras à la façon du Général de Gaulle ; quant aux légions romaines, elles renvoient à la Wehrmacht qui occupe le pays. Cette référence à l’histoire de France apparaît clairement dans l’épisode du Combat des Chefs, où Abraracourcix est opposé à Aplusbégalix, chef d’un village gallo-romain, qu’on reconnaît sans peine comme une caricature de la collaboration pendant la guerre.

Astérix, série de bande dessinée, se veut bien entendu humoristique mais aussi une caricature de la société française de son époque. Si la mayonnaise, à l’instar de la potion magique, prend si bien, c’est que la série renvoie à ces mythes fondateurs tenus vrais par tous mais dont les fondements historiques sont faibles, voire inexistants. Peu importe que les Gaulois aient rapidement adopté les usages romains ou que la libération de la France soit due dans une large mesure aux armées britannique et américaine, ce qui compte, c’est que le lecteur se reconnaisse dans le personnage d’Astérix, pas plus puissant que ses voisins, pas même plus intelligent, mais plus astucieux et en définitive attachant. 

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