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Article publié dans “Critiques et recensions”

Le dernier Espadon

Blake et Mortimer La Nouvelle Ligne s’était montrée assez critique envers les précédents épisodes des aventures de Blake et Mortimer, La Vallée des Immortels, tomes I et II, qu’elle juge indûment touffus et difficilement lisibles. Il semble que l’éditeur n’ait pas été insensible aux reproches formulés par La Nouvelle Ligne puisque le tout dernier épisode, Le dernier Espadon, répond en substance à ses objections. Le dernier Espadon – sans doute pas pour la dernière fois Tout d’abord il s’agit d’une histoire qui tient en un seul album, qui lui confère davantage de cohérence. Ensuite, les scénaristes font preuve d’astuce dans la mesure où, d’une part ils raccrochent leur histoire à celle du Secret de l’Espadon, l’album qui fonde la série en 1946, mais où d’autre part ils s’en détachent presque entièrement. Ils évitent de ce fait l’inconvénient majeur qui consiste à devoir imbriquer le dernier épisode dans la chronologie de…

Dorothée von Medem

Dernière duchesse de Courlande. Derrière le titre de ce livre, se cache une déesse, Dorothée von Medem (1761-1821), issue d’une famille balte et épouse de Pierre de Biron, dernier duc de Courlande. Ce duché aux consonances romantiques, que les lecteurs de Marguerite Yourcenar reconnaîtront, occupait de façon approximative le territoire de l’actuelle Lettonie. Vassal de la couronne de Pologne, le duc Pierre se révèlera de manière constante incapable de reconnaître qu’en ce qu’il le concernait, le véritable pouvoir siégeait à Saint-Pétersbourg plutôt qu’à Varsovie, à telle enseigne que cet aveuglement précipitera la disparition de son duché au profit de la Russie justement, dans la foulée du troisième partage de la Pologne en 1795. Une duchesse sur les routes de l’Europe Tandis que son mari s’entête, la belle Dorothée s’emploie à tâcher de réconcilier son mari avec Catherine la Grande d’une part et la noblesse de Courlande d’autre part, et d’assurer…

Récit d’un parcours de Lausanne à Rome

Via Francigena La Nouvelle Ligne signale à l’attention de ses lecteurs la parution ces jours derniers de ce petit ouvrage de qualité dû à la plume de Dominique de la Barre. Belge de l’étranger, naturalisé suisse, il a parcouru la Via Francigena de Lausanne à Rome en 2013 et 2014. La Via Francigena, la Voie des Francs, désigne ce faisceau d’itinéraires par lesquels les Francs étaient descendus en Italie au VIIIe siècle et qui est aujourd’hui élevé au rang d’itinéraire culturel européen par le Conseil de l’Europe. Connu pour son blog, l’auteur, qui a grandi à Rome il y a un demi-siècle, livre ici d’une plume élégante le récit de ce pèlerinage, selon ses propres mots, ce qui fait de la marche une démarche car on ne devient pèlerin qu’en un empruntant un chemin de pèlerinage, phénomène universel, que d’autres ont parcouru auparavant. Mais le pèlerin n’est jamais seul, il…

Sur les traces de Stauffenberg

Comte Claus von Stauffenberg Petite-fille du comte Claus von Stauffenberg, l’auteur de l’attentat contre Hitler du 20 juillet 1944, Sophie Bechtolsheim esquisse un certain nombre de portraits de son grand-père sous plusieurs angles dans un petit livre paru en 2019. Son titre, Mein Vater war kein Attentäter, Mon Père n’était pas l’auteur d’un attentat, interroge puisque le monde entier le connaît justement à ce titre. Ce que Bechtolsheim veut souligner c’est que Stauffenberg et les autres conjurés ne voyaient dans l’attentat que le prélude nécessaire au rétablissement en Allemagne de l’état de droit. Dans ce livre donc, qui a connu un grand succès, apparaissent de nombreux portraits de Stauffenberg, celui des historiens, celui de la classe politique, celui de la télévision et du cinéma avec le film Walkyrie, et enfin celui de l’homme de famille, fruit des entretiens que l’auteur a menés avec sa grand-mère, décédée en 2006. Stauffenberg, la…

Histoire d’une mésalliance

Nazisme et noblesse La clé de lecture de ce livre réside sans doute dans le sous-titre, Histoire d’une Mésalliance. Au départ, tout oppose les national-socialistes, non seulement vulgaires et violents mais qui se réclament justement d’une forme de socialisme, à la noblesse conservatrice qui se conçoit elle-même comme une élite investie d’une mission. Pourtant ces deux groupes finiront par opérer un rapprochement, que l’auteur, Stefan Malinowski, qualifie de mésalliance. Qu’est-ce donc une mésalliance ? Une union qui brise les règles qui gouvernent leurs groupes respectifs, en l’occurrence un accord passé entre le peuple et la noblesse, mû par un mélange de passion et d’intérêts économiques et où les deux parties trouvent leur compte. Ici cette conjonction d’intérêt prend plusieurs formes : détestation du communisme et même de la démocratie, hostilité envers le capitalisme incarné par une bourgeoisie cosmopolite, etc. La noblesse allemande en 1918 En 1918, la noblesse allemande compte quatre-vingt mille…

Voyage dans les pays baltes

Voyage dans les pays baltes. Derrière ce titre énigmatique, The Glass Wall, se dévoile un mélange de récits, de rencontres et d’évocations historiques que l’auteur Max Egremont a tiré de ses voyages dans la Baltique, principalement en Lettonie et en Estonie, mais aussi à Saint-Pétersbourg et en Finlande. Le titre entend suggérer que ces contrées ont été séparées de l’Europe de l’Ouest mais que ce mur en verre permet d’y jeter un regard ; l’analogie est curieuse car du point de vue des intéressés, les populations des pays baltes, ce mur, que les Soviétiques avaient érigé de 1939 à 1991, était solidement bétonné et n’a disparu qu’avec l’adhésion à l’Union Européenne, l’adoption de l’euro et la participation à l’OTAN. Les intérêts d’Egremont se portent donc sur la Lettonie et l’Estonie, deux territoires sous domination suédoise jusqu’à ce que Pierre le Grand ne les incorpore à l’empire russe en 1721 à la…

Aux origines de James Bond

Aux origines de James Bond «Mourir peut attendre», le nouveau James Bond n’aura pas fait démentir le succès de cette série où les spectateurs paient leur billet de cinéma pour se voir raconter la même histoire pour la vingt-cinquième fois, sans cesse mise à jour au fil des inventions techniques qui font succéder une Aston Martin à une autre. Pendant la guerre, Ian Fleming, le créateur du personnage de Bond, avait été officier au sein de la Royal Navy. Affecté au Service des Renseignements, il prit part à l’une des plus étonnantes entreprises de désinformation jamais effectuées, Operation Mincemeat, d’où il irait quelques années plus tard puiser l’inspiration pour ses premiers romans figurant James Bond. Le but de cette opération, menée en 1943, consistait à faire croire aux Allemands que le débarquement que les Alliés projetaient en Sicile se déroulerait soit en Crète soit en Sardaigne. Un faux noyé Aussi…

La comtesse, la musique et la guerre

Olivier Bellamy, La Folie Pastré  Qui est Pastré et de quelle folie s’agit-il ? Olivier Bellamy, journaliste, animateur radio et surtout grand amoureux de musique classique a consacré ce petit ouvrage à la vie colorée de la comtesse Lily Pastré, marseillaise comme l’auteur. Née Marie-Louise Double de Saint-Lambert en 1891, héritière des apéritifs Noilly-Prat, elle épousera en 1918 Jean Pastré, comte pontifical, lui-même héritier de la maison de négoce Pastré Frères, et dont elle se séparera plus tard. Lily Pastré, la passion de la musique Car la véritable passion de Lily, cette comtesse aux allures de clocharde, c’est la musique, et Mozart en particulier. Entre les deux guerres, elle fréquente à Paris tant le monde tout court que le monde des arts et se lie avec les personnalités les plus en vue du moment. Mais c’est la guerre qui plus encore sera le révélateur de sa personnalité. Marseille est située en…

Dynasties juives de Shanghai

Jonathan Kaufman De Bagdad à Hong-Kong En 597 avant notre ère, Nabuchodonosor emmenait les Hébreux en déportation à Babylone, la future Bagdad, où jusqu’à une époque récente allait fleurir une des plus importantes communautés juives du Proche-Orient. Quelques vingt-cinq siècles plus tard, vers la fin du XIXe siècle, David Sassoon, issu de la plus éminente des familles marchandes juives mizrahim, allait quitter la ville, alors sous domination turque, pour gagner Bombay (aujourd’hui Mumbai), capitale économique de l’empire britannique des Indes ; ses descendants allaient poursuivre cette course et fonder des entreprises commerciales à Shanghai et à Hong Kong. Elly Kadoorie, quant à lui, appartient lui aussi à une famille, certes moins prestigieuse que les Sassoon, de financiers et de marchands juifs de Bagdad. Jeune homme, il quittera la ville et trouvera de l’emploi chez les Sassoon à Bombay, d’où il gagnera Hong Kong en 1880. Jonathan Kaufman, journaliste et professeur d’université…

Serhii Plokhy

La crise des missiles à Cuba – une nouvelle lecture On connaît la fin. La crise provoquée par le déploiement de missiles soviétiques sur l’île de Cuba en octobre 1962 n’a pas finalement débouché sur la guerre nucléaire. Tous, en Europe et aux États-Unis, connaissent l’histoire de cette crise aiguë telle que la racontent les Américains, et qu’un film, Thirteen Days, a rendu accessible au grand public en 2000. L’intérêt de Nuclear Folly, qu’on doit à la plume de Serhii Plokhiy, professeur d’histoire à l’Université de Harvard, est de s’appuyer notamment sur les archives aujourd’hui disponibles en Ukraine, l’Etat soviétique où étaient entreposés les missiles avant leur envoi à Cuba. Tout le monde sait que Kennedy et Khrouchtchev ont évité de peu la guerre nucléaire il y a près de soixante ans mais à la lecture du livre de Plokhiy, on découvre combien le risque d’un conflit était encore plus élevé…