Jour de la Résurrection
L’évangile de ce dimanche nous livre le célèbre récit de Saint Thomas, dit doubting Thomas en anglais, et dont le tableau du Caravage donne une représentation tout à la fois crue, vigoureuse et incarnée. Mais que s’est-il donc passé depuis dimanche dernier ? Une enquête de La Nouvelle Ligne, envoyé spécial en Judée, au sujet de la Résurrection.
Le Matin
Au petit matin de ce que nous appelons désormais le dimanche de Pâques, sans doute le 9 avril de l’an 30 de notre ère, alors qu’il faisait encore nuit, un groupe de femmes se rend au tombeau de Jésus en vue de l’embaumer. En effet, Jésus avait été enseveli à la hâte l’avant-veille en raison de l’approche du Sabbat (dont l’observance démarre le vendredi soir) si bien qu’on n’avait pas pu lui prodiguer de rites funéraires. Tous les évangélistes s’accordent pour mentionner ce groupe de femmes, même si sa composition varie. Jean du reste ne mentionne que Marie de Magdala (Marie-Madeleine), pas tant pour dire qu’elle était seule mais pour souligner son rôle dans la suite du récit. Les femmes découvrent la pierre roulée et le tombeau vide.
Marie-Madeleine se détache alors de son groupe et repart en courant vers Pierre et Jean leur apprendre la nouvelle du tombeau vide, en raison, pense-t-elle, du vol du corps. Entretemps, un ange apparait aux autres femmes qui étaient demeurées auprès du tombeau et leur déclare que Jésus est ressuscité et qu’elles doivent en apporter la nouvelle aux disciples. Tremblantes, elles quittent le tombeau sans rien dire à personne car elles avaient peur. Elles se ravisent cependant et se rendent auprès des Apôtres.
Pierre et Jean au tombeau
Pendant ce temps-là, prévenus par Marie-Madeleine, Pierre et Jean (deux des Apôtres) se rendent au tombeau, suivis par Marie-Madeleine. Ils n’y voient pas d’ange mais pénètrent dans le tombeau vide, Pierre d’abord, Jean ensuite. A la vue des bandelettes à terre et du suaire roulé à part, Jean comprend que Jésus est ressuscité.
Tandis que Pierre et Jean sont au tombeau ou en reviennent, les autres femmes rapportent aux autres Apôtres ce qu’elles ont vu, en l’occurrence le tombeau vide et l’apparition d’un ange qui leur a communiqué des instructions, mais les Apôtres tiennent ces propos pour du radotage et demeurent sceptiques
Retour de Marie-Madeleine
Quant à Marie-Madeleine, qui est donc au tombeau pour la seconde fois ce matin-là, elle s’y attarde après le départ de Pierre et Jean. Ce supplice atroce, la mort de Jésus et maintenant son tombeau vide, l’agitation de ce matin, tout cela, c’en est trop, l’émotion la gagne et elle se met à sangloter. Ému par ses pleurs, Jésus s’approche d’elle par derrière si bien qu’elle ne le reconnaît pas et le tient pour le jardinier ; il lui adresse la parole, elle se retourne et oui, c’est bien lui, elle le reconnaît. C’est la toute première apparition de Jésus ressuscité, une scène connue comme « Noli me tangere », ne me touche pas, selon les paroles que Jésus prononce. Comme l’ange lors de la première visite, Jésus enjoint Marie-Madeleine de porter la nouvelle aux Apôtres, mais cette fois-ci sur la base d’un témoignage oculaire.
Les autres femmes quant à elles, qui s’étaient rendues auprès des Apôtres en un deuxième temps, sont en chemin, peut-être de retour chez elles, lorsque Jésus leur apparaît à elles aussi pour apaiser leur tourment et les renvoie une fois de plus vers les Apôtres. Ce sera la seconde apparition.
Alors que les femmes passent la journée à courir de droite à gauche, les Apôtres (moins Pierre et Jean) restent assis dans leur fauteuil et peinent à se laisser convaincre. A Bruxelles, on dirait d’eux qu’ils sont durs de comprenure. Ainsi s’achève le matin de Pâques.
Le Soir
Le soir même se déroule l’épisode connu comme celui des disciples d’Emmaüs, du nom d’un village situé à proximité de Jérusalem dont l’emplacement n’a jamais été identifié avec certitude. Jésus, qui pourtant était ressuscité à Jérusalem, apparaît à deux disciples (distincts du groupe des Apôtres) qu’il accompagne un bout de chemin; comme le soir tombe, ils s’arrêtent tous trois à l’auberge y prendre un repas. Bien qu’ils aient cheminé quelque temps avec Jésus, ils ne le reconnaissent qu’à la fraction du pain, avant qu’il ne disparaisse à leurs yeux. C’est la troisième apparition.
Les deux disciples d’Emmaüs s’en retournent en vitesse à Jérusalem en cette journée riche en chassés-croisés et se rendent auprès des Apôtres, toujours eux, leur rendre compte de l’apparition. Mais les Apôtres demeurent tout aussi blasés et méfiants qu’ils ne l’avaient été à l’égard des femmes ce matin-là.
Soudain, Jésus, qui de nouveau se retrouve mystérieusement à Jérusalem, apparaît d’abord à Pierre puis aux autres Apôtres, qui reconnaissent enfin le bien-fondé du témoignage des femmes et des disciples d’Emmaüs. Alors que les femmes, on l’a vu, se déplacent vers Jésus qu’elles croient mort, il aura fallu que, de guerre lasse, Jésus vivant se révèle aux Apôtres qui, à l’exception de Pierre et de Jean, n’auront pas bougé de la journée. Lors de cette nouvelle apparition, Jésus s’adresse aux Apôtres « Écoutez les gars, c’est bien moi » et leur montre les plaies que les clous avaient infligées aux mains et aux pieds. Puis, il mangea du poisson en leur compagnie, un léger souper donc puisqu’il avait déjà dîné auparavant avec les disciples d’Emmaüs. Ce soir-là pourtant, Thomas avait à faire et s’était excusé.
Intermède
On perd la trace de Jésus pendant ces huit jours. Tout au plus, les évangiles nous apprennent-ils que les Apôtres informèrent Thomas qu’ils avaient vu Jésus en son absence. Thomas ne s’en laisse pas conter et demande des preuves tangibles.
Épilogue
Huit jours après la Pâque, nous dit l’évangéliste Jean, alors que les portes étaient closes, Jésus apparut à nouveau aux Apôtres, cette fois-ci en présence de Thomas, qui avait pu se libérer. Jésus avait dû lire dans les pensées de son disciple puisqu’il invite Thomas à plonger sa main dans la plaie de son côté et lui offre donc la possibilité de faire le geste que lui-même réclamait. C’est la scène dépeinte par le Caravage, qui clôt une semaine où les femmes tiennent le beau rôle et qui allait changer l’histoire du monde.
Monsieur de la Barre,
Voilà une étude biblique fort intéressante. Lecture exacte de la lettre, le besoin de preuves matérielles, tangibles. Mais où est l’esprit de ce récit, quelle est sa symbolique ? Le passage de la naissance à la mort, la fin d’une vie ici-bas et une renaissance avec non plus un corps de chaire mais un corps glorieux avant de retourner chez le Père, dans les cieux. Jésus ressuscité est celui qui a marché sur les eaux, le monde intermédiaire entre la terre et le ciel. La mort du corps n’est pas la mort de la vie. Le corps, matière, lui meurt, mais la vie, elle, est éternelle.
Merci Monsieur. C’est un bon article pour vulgariser la Résurrection du Christ. Toutefois, l’essentiel se trouve de façon énigmatique dans votre dernière phrase : « une semaine qui allait changer l’histoire du monde ».
Effectivement, sans Pâques et la Résurrection, il n’y aurait pas eu de christianisme et sans Pâques et la Résurrection, le Ciel serait rester fermé et l’humanité n’aurait eu que la perspective horrible d’une fin dans le néant !
L’ouverture du Ciel grâce à la Résurrection de Jésus le Christ, nous connecte tous, dès notre arrivée sur terre à l’éternité. C’est une perspective fantastique et il suffit de suivre les pas de Jésus pour avoir la certitude de jouir de cet éternité de Bonheur.
Malheureusement, pendant des siècles notre Eglise a dérivé du message évangélique et beaucoup de chrétiens s’en sont détournés car ils avaient perdu le sens à donner à leur vie. Effectivement, l’Eglise avait oublié sa mission première dans l’optique de la Résurrection à savoir : « maintenir uni le Ciel et la Terre ».
Heureusement, malgré les aléas de notre existence dans un monde imparfait, car inachevée, le Saint-Esprit nous a envoyé le Pape François, qui pratique de façon exemplaire l’Evangile. Il réforme avec courage et entre autres la Curie romaine en la nettoyant, car elle était devenue une sorte d’écurie d’Augias. Last but not the least, le pape François met en place une Eglise synodale, c’est-à-dire collégiale et décentralisée !
Il est important de prier pour que le Pape François réussisse pleinement sa mission terrestre pour le Bien de tous et la Gloire de Dieu et que sa « Révolution tranquille » via le Synode sur la synodalité (rapport final en deux parties : octobre 2023 et octobre 2024) soit couronnée de succès !
Succinctement, la synodalité consiste à cheminer ensemble – de façon participative et solidaire – ce qui permet alors au Saint-Esprit de s’exprimer en nous aidant à continuer d’avancer ensemble sur notre chemin comme peuple de Dieu.
Cela fait des décennies que j’attendais impatiemment, que notre Eglise retrouve l’essence du message évangélique. On y approche maintenant à grand pas. Vraiment, vivons une époque formidable !
En 1961, Rodolphe Kasser, professeur de copte à la Faculté des Lettres de l’Université de Genève et théologien, publiait « L’Evangile selon Thomas, présentation et commentaire théologique », chez Delachaux et Niestlé (bibliothèque théologique) à Neuchâtel. Voici un compte-rendu de cet ouvrage, paru dans la « Revue d’histoire et de philosophie religieuses » en 1966:
« Quant au beau livre de R. Kasser, il répond pleinement aux espoirs que faisait naître la double compétence de son auteur, à la fois coptisant éprouvé et théologien averti. Après une introduction érudite et prudente dans laquelle R. Kasser donne un aperçu du milieu religieux et des problèmes littéraires de l' »Evangile », on trouve une traduction française du texte copte, accompagnée d’une rétroversion de celui-ci en grec et d’un commentaire assez détaillé qui met surtout l’accent sur la comparaison avec les textes, le vocabulaire et la pensée bibliques. Ce commentaire rempli d’observations intéressantes reste volontairement simple, afin d’être accessible à des non-spécialistes. Il rendra pourtant de grands services aux savants eux-mêmes. Un abondant index du vocabulaire employé dans la traduction constitue en fait une concordance française de l’Evangile selon Thomas. Enfin, un appendice fournit des indications au sujet de la structure littéraire de l’apocryphe, un tableau synoptique des diverses numérotations proposées pour les « logia » ou les versets par les traducteurs successifs, des éléments de bibliographie et un index des citations bibliques. On peut donc dire sans excès que le livre de R. Kasser est l’instrument de travail le plus commode et le plus complet qui soit offert à tous ceux – coptisants ou non – qui désirent entreprendre l’étude d’un des textes les plus curieux du IIe siècle chrétien. » (E. Trocmé, Revue d’histoire et de philosophie religieuses, 1966, pp. 93-94) .
La professeur Kasser, dont j’étais alors l’un des étudiants, m’avait confié dans les années 1970 la préparation d’un index des termes copto-grecs contenus non seulement dans l’Evangile de Thomas mais aussi dans d’autres textes apocryphes, en particulier l’Evangile de Philippe, proche de celui de Thomas. Nous n’étions alors que quelques étudiants, qui se comptaient sur les doigts d’une main, à suivre les cours du professeur Kasser, dont la grande érudition et les connaissances philologiques ne nous ont pas moins fait découvrir un univers littéraire, théologique et philosophique – bien que R. Kasser disait ne pas aimer la philosophie – aussi curieux que passionnant.
Merci beaucoup pour ce rappel Monsieur de la Barre.
J’ai pour ma part toujours trouvé d’un symbolisme très signifiant le fait que le Ressuscité est apparu pour la première fois en jardinier…
Cette profession est au plus près du vivant dans ce qu’il a de simple et de naturel.
Bien cordialement, de Belgique !