Pape François, Vatican Offshore
On découvre dans ce petit livre d’une part la face sombre de l’argent du Vatican et d’autre part les tentatives qu’ont menées Benoît XVI et le Pape François de réformer un système qui opère en l’absence de toute gouvernance et de transparence.
Le livre couvre une période qui court des années 1970 à nos jours ; il démarre avec Michele Sindona, conseiller financier de Paul VI mais aussi fiscaliste de la Mafia et se poursuit jusqu’à nos jours avec le procès toujours en cours de dix inculpés, dont le Cardinal Angelo Becciu, autrefois Substitut de la Secrétairie d’État, sorte de chef de cabinet du Pape François.
Car si le Vatican est le plus petit État du monde, c’est aussi le plus compliqué, où chaque dicastère (ministère) jouit de sa propre autonomie dans un contexte où les délits en matière financière n’existent pas. Peu compétents en matière financière, les prélats qui gouvernent le Vatican se révèlent être des proies faciles pour les faccendieri, ces entremetteurs qui nouent des liens de corruption avec la pègre, la loge maçonnique P2, et le monde de la politique italienne, dans l’impunité la plus totale.
Une réforme nécessaire
Élu en 2005, Benoît XVI est le premier pape à prendre conscience de la nécessité morale et politique de réformer un système sur lequel même le pape n’a pas prise ; davantage théologien que manager, personnalité humble, soucieux d’établir une transparence, il se heurte à la résistance de la curie et démissionne face à cet échec.
Le conclave de 2013 élit donc Bergoglio avec comme mission explicite la réforme de la gouvernance du Vatican. Le Pape François s’appuiera sur le cardinal australien George Pell, nommé Secrétaire pour l’Économie, qui fera appel à son tour à des consultants professionnels. Mais Pell voit sa liberté d’action écornée par des accusations en Australie (dont il sera plus tard blanchi) si bien que le Pape François perd une première bataille face à la curie et se voit contraint en 2016 d’annuler un audit des finances du Vatican que Pell voulait mener à bien.
La Constitution Apostolique du Pape François
Néanmoins, le Pape tiendra bon et fera adopter des textes parmi lesquels un Code des Affaires en 2020 et une Constitution Apostolique en 2022 qui fournissent les assises d’une bonne gouvernance. De son côté, Jean-Baptiste de Franssu, depuis 2014 président du conseil d’administration de l’IOR (la « banque du Vatican ») procède à un nettoyage systématique des comptes qui lui valent sa réintégration dans le système bancaire international- Enfin en 2021, s’ouvre le « procès du siècle », où pour la première fois la justice pénale vaticane poursuit dix inculpés, dont le cardinal Becciu, accusé entre autres de détournement de fonds.
Une enquête fouillée
Grand reporter à Paris Match, spécialiste de l’Italie, Labarre a de toute évidence mené une enquête très fouillée ; les nombreux personnages qui peuplent son livre en sont le témoin mais le nombre d’histoires qui s’y croisent, la faillite du Banco Ambrosiano, la « papesse » Francesca Chaouqui, l’affaire dite de « l’immeuble de Londres » sont susceptibles de déconcerter le lecteur. Rédigé d’un style journalistique certes agréable quoique parfois familier, le livre souffre d’une absence de table chronologique et d’un index des personnages.
François de Labarre, Vatican Offshore, l’argent noir de l’Église, Albin Michel 2023
NB : La Nouvelle Ligne n’entretient pas de lien de parenté avec l’auteur
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