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L’insoutenable légèreté de la neutralité vaticane

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Le monde entier a assisté avec effroi à l’attaque terroriste menée par Hamas à l’encontre d’Israël et de ses habitants le 7 octobre dernier. Le lendemain, à l’issue de la prière de l’Angelus, le Pape a prononcé les paroles suivantes « Que les attaques et les armes s’arrêtent, s’il vous plaît, et que l’on comprenne que le terrorisme et la guerre ne mènent à aucune solution, mais seulement à la mort et à la souffrance de tant d’innocents. La guerre est une défaite: chaque guerre est une défaite! Prions pour qu’il y ait la paix en Israël et en Palestine! ».

Il n’aura pas fallu longtemps à l’ambassadeur israélien auprès du Saint-Siège de publier un communiqué dans lequel il déclarait « qu’on n’avait pas besoin d’ambiguïtés de langage ni de la suggestions de parallélismes », sous-entendu d’un parallélisme entre les agresseurs et les victimes ou entre le terrorisme et le droit de tout État à assurer sa propre défense.

On se souviendra qu’e déjà en février 2021, après le déclenchement de la guerre en Ukraine, le Pape avait prié pour toutes les « parties impliquées » (https://lanouvelleligne.com/pie-xii-le-pape-francois-et-lukraine/) où il n’était pas non plus question d’agresseurs et de victimes. Quelque temps plus tard, il ajoutait même qu’on ne pouvait pas réduire la guerre en Ukraine à un conflit entre bons et méchants.

Or il s’avère qu’au moment où Hamas déclenchait son offensive, se tenait à l’Université Grégorienne à Rome, dirigée par les Jésuites, un colloque dont le sujet était l’examen du rôle de Pie XII pendant la guerre, sur la base d’archives nouvellement accessibles. Seul chef d’État à s’être jamais exprimé en public au sujet de la Shoah à l’occasion d’un discours prononcé à la Noël 1942, Pie XII n’y évoquait ni les Juifs ni les Nazis, pas même des agresseurs et des victimes anonymes.

Voilà donc le Pape François à nouveau embarqué dans la même galère que son prédécesseur. On peut comprendre que le Saint-Siège estime devoir maintenir une neutralité en public s’il souhaite pouvoir intervenir en qualité de médiateur entre les parties, par exemple pour s’efforcer de ramener dans leur famille les enfants ukrainiens déportés par les Russes. De ce point de vue le prix à payer peut se traduire par une incompréhension diplomatique, voire comme ici par une réprimande publique.

Sans doute le prix s’est-il avéré trop élevé cette fois-ci car le Pape François a été amené lors de l’audience du 11 octobre à clarifier ses propos, à réclamer la libération des otages et à affermir le droit de l’État d’Israël à assurer sa défense, une prise de position saluée par l’ambassadeur d’Israël.

Déjà dans l’encyclique Fratelli Tutti en 2020, le Pape François avait sévèrement condamné le principe d’une guerre juste, sans toutefois le répudier complètement, au vu, estimait-il, des conséquences néfastes des guerres modernes ; certains avaient relevé alors que le pape avait omis de mentionner les effets parfois tout aussi néfastes de l’inaction militaire, en Bosnie ou au Rwanda par exemple.

La Nouvelle Ligne estime que la position dans laquelle se trouve le pape est inconfortable car, après tout, le but du terrorisme est de terroriser, y compris lors de la prise de parole en public. Cependant, la tendance de ce pape jésuite à ne voir le monde qu’en cinquante nuances de gris, d’où il devient difficile de discerner un jugement moral, ternit son autorité aux yeux du monde. Après tout la condamnation de l’assassinat de sang froid de civils innocents et la prière pour la paix au Proche-Orient ne sont pas des sujets qui s’excluent mutuellement.

2 Commentaires

  1. Olivier de Trazegnies Olivier de Trazegnies 19 octobre 2023

    Mon cher Dominique,

    Personnellement, j’apprécie que le Pape ne se laisse pas entraîner par les sentiments au moment où il apparaît que tout le Moyen-Orient (et le monde) risque de s’embraser. Son rôle est de s’adresser à chaque être humain. C’est au XIIIe siècle que les papes se permettaient de vouer aux Gémonies les infidèles et les hérétiques (voire les souverains qui leur déplaisaient) en les traitant de suppôts de Satan. Le terrorisme du Hamas dépasse les limites de l’ignominie, mais il est hors de propos ici de rappeler l’antisémitisme hitlérien, alors que tous les peuples du Moyen-Orient voient dans cette attaque une revanche contre les humiliations endurées depuis 1948

    Le gouvernement israélien est un chef-d’œuvre d’hypocrisie en son genre, car il est tout aussi brutal que ses adversaires, mais en version plus ou moins soft. Même Hitler était soft quand il gazait les juifs dans des douches au Zyklon b. C’est ce côté « technique » et glacial qui rend l’holocauste encore plus atroce et insupportable.

    Il tombe sous le sens que le terrorisme est condamnable sous toutes ses formes. Mais quand un gouvernement 1) s’est approprié une terre sur laquelle il n’avait aucun droit sinon celui de la conquête avec l’aval des Nations-Unies, à l’époque peu regardantes 2) a poursuivi la colonisation contre toutes les décisions internationales 3) tue cent Palestiniens pour chaque israélien assassiné (souvent par des illuminés agissant seuls) 4) les réduit à survivre dans un ghetto infect (sorry !) 5) ne laisse aucun espoir à tout un peuple en utilisant des partis d’extrême-droite religieuse et tout aussi timbrés que les islamistes pour faire disparaître à petit feu la moindre forme de revendication chez des gens pauvres qu’on a éjectés de leurs villages ancestraux, on ne doit pas s’étonner que la solution de 1948 (donner un territoire à un peuple martyr) ait en pratique ressuscité un antisémitisme (la pire aberration de l’esprit humain : je suis clair) qui était K.O. après les horreurs de la Shoah.

    Je comprends donc le Pape quand il essaie avant tout de prendre de la hauteur. C’est son rôle. Il n’est pas un leader politique.

    Ton vieil ami.

    Olivier de Trazegnies

  2. Pierre-Olivier Mojon Pierre-Olivier Mojon 19 octobre 2023

    Comme vous avez raison! L’idéalisme et la neutralité ne sont absolument plus possibles quand des enfants totalement innocents sont délibérément brûlés vifs, ce sont là les crimes les plus abominables du Hamas qui détruisent l’essence même de notre humanité. Quel que soit le prix à payer, il faut combattre avec détermination pour détruire ces monstres de cruauté et leur idéologie du Mal absolu qu’ils représentent. Personnellement, je considère cela comme le plus important pour tout ce qui s’est passé depuis le 7 octobre. Je ne peux m’arrêter de penser à tous ces gosses (palestiniens y compris) victimes d’adultes complètement fous et pervers. Les discours bien-pensants et lénifiants du Pape pas plus que tout le reste (politiciens, foules, médias) n’y changeront rien.

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