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Ukraine: le pas de trop

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Le deuxième anniversaire du déclenchement de l’invasion russe de l’Ukraine fournit l’occasion d’examiner à nouveau les conditions qui ont amené Vladimir Poutine à franchir ce pas.

Né en 1971 d’un père britannique et d’une mère soviétique, Owen Matthews se consacre au journalisme et couvrira pendant vingt-cinq ans les affaires russes, d’abord pour Moscow Times et ensuite pour le magazine Newsweek. En 2023, dix-huit mois après le déclenchement de l’invasion, il publie Overreach, dont il faut comprendre le titre comme désignant quelqu’un qui a eu les yeux plus gros que le ventre. Six mois plus tard, sa lecture demeure tout aussi éclairante.

De son propre aveu, l’auteur, qui connaît la Russie de façon intime, n’a pas accès au premier cercle de Poutine et est contraint de se cantonner au deuxième, voire au troisième cercle; en revanche il accède à l’entourage proche du président Zelenski. Il estime que ce qui pousse Poutine à franchir le pas en 2022 réside dans l’obsession du président russe quant à la sécurité de son pays face à ce qu’il estime être une tentative d’encerclement par l’OTAN, les pays baltes au nord, la Pologne à l’ouest et maintenant l’Ukraine. En 2014, il avait déjà envahi le Donbass et la Crimée mais aussi occupé deux provinces de la République de Géorgie, sans déclencher de réaction majeure de la part de l’Occident. L’Europe est trop dépendante du gaz russe, estime Poutine, il en sera de même en 2022. Il se trompe, comme Hitler s’est trompé en déclenchant l’opération Barbarossa en 1941, face d’une part à la résistance inattendue des forces ukrainiennes et d’autre part face aux sévères sanctions que l’Occident inflige à la Russie. Deux ans plus tard, Poutine a sans doute gaspillé pour toujours  le meilleur atout dont dispose son pays, à savoir la capacité de la Russie à exporter du pétrole et du gaz à bon marché, en particulier à destination de l’Allemagne. Loin du stratège hors pair pour lequel certains le tiennent en Occident, Matthews voit plutôt Poutine comme un joueur qui est resté trop longtemps attablé au casino et qui rate son coup.

En février 2024, la guerre est dans l’impasse. Alors que dans les premières semaines de la guerre, Zelenski pouvait encore proposer à Poutine des négociations de paix sur la base des territoires détenus en 2014, aujourd’hui la situation politique en Ukraine accule ses dirigeants à déclarer que la guerre ne s’achèvera qu’avec la reconquête de tous les territoires occupés, y compris la Crimée, une position illusoire soutenue par Joe Biden. A l’inverse la blitzkrieg de Poutine qui visait à installer un gouvernement fantoche s’est soldée par un échec aux portes de Kiev en 2022, au prix de terribles massacres à Boutcha. Matthews estime donc que les Ukrainiens devront se résigner à la perte de leurs provinces occupées et même que c’est là que se trouve la condition du futur ancrage de l’Ukraine à l’Europe. 

Matthews nourrit des liens tant familiaux que professionnels très étroits avec la Russie et l’Ukraine. Avec Overreach, il plonge le lecteur aux racines de ce conflit empoisonné, fruit du cerveau de Poutine. Fort de nombreux témoignages livrés par des proches du Kremlin, des soldats russes capturés, les nombreux contacts qu’entretient Matthews, Overreach livre un récit très complet de la guerre en Ukraine de lecture aussi agréable que passionnante. Salué par la critique anglaise, Overreach constitue à ce jour  le meilleur compte-rendu de la guerre accessible à un grand public.

Overreach, Owen Matthews, Mudlark, 2023. 

La Nouvelle Ligne renvoie ses lecteurs intéressés par l’histoire d l’Ukraine à l’ouvrage de Serhii Plokhy, The Gates of Europe: a History of Ukraine.  https://lanouvelleligne.com/aux-portes-de-leurope-histoire-de-lukraine/

Un commentaire

  1. Vercken de Vreuschmen Vercken de Vreuschmen 25 février 2024

    Certes Poutine n’est pas un enfant de cœur mais le comparer à Hitler me semble totalement hors de propos.
    Si les accords de Minsk avaient été respectés nous n’en serions certainement pas là. Si les américains arrêtaient de se présenter comme le camp du bien alors qu’ils mettent le désordre partout où ils interviennent dans le Monde nous n’en serions pas là et enfin si les occidentaux respectaient un peu plus la morale naturelle et donnaient une image moins décadente beaucoup de pays tiers ne soutiendraient pas la Russie.
    En réalité la crise actuelle est celle des missiles de Cuba à l’envers.et marque la fin de la suprématie occidentale sur le Monde .
    Lire à ce propos le livre d’Emmanuel Todd intitulé le déclin de l’Occident .

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