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Going Infinite: la chute de Sam Bankman-Fried

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Ancien trader obligataire chez Salamon Brothers à New York, Michael Lewis démissionne pour rédiger Liar’s Poker en 1989, un ouvrage qui décrit d’une plume aiguisée la culture des golden boys qui prévaut à Wall Street en ces années-là. Fort de ce premier succès, il deviendra l’un des journalistes financiers les plus en vue aux Etats-Unis et se distinguera avec des titres comme Moneyball et The Big Short, porté depuis à l’écran.

Going Infinite, son dernier livre paru en 2023, constitue un récit intime de Sam Bankman-Fried et de sa société FTX, une plateforme de négoce de crypto-monnaies. Tout au long de l’année 2022, il accompagne son héros, wonderboy de la crypto, le plus jeune milliardaire de l’histoire, devenu une celebrity que s’arrachent les mondes de la politique, des affaires, et des arts.

Fidèle à son style, fluide, agréable, spirituel, Lewis sait tisser une histoire à partir des anecdotes qui illustrent la vie incroyable du personnage désormais connu sous le sobriquet de SBF, les cheveux ébouriffés, vêtu de shorts et de T-shirts, un jour aux Bahamas et le lendemain à Los Angeles, en télé-conférence avec un interlocuteur à Singapour tandis qu’il joue à un jeu vidéo sur son ordinateur.

Aujourd’hui nous connaissons la suite de l’histoire. Le 11 novembre 2022, FTX se déclarait en faillite, le 12 décembre Sam Bankman-Fried était inculpé ; son procès s’ouvre le 3 octobre dernier, date de parution de Going Infinite ; un mois plus tard le 2 novembre il est reconnu coupable de plusieurs chefs d’accusation de fraude ; la sentence sera rendue le 28 mars prochain : comme dans les albums de Lucky Luke, elle pourrait s’élever à une peine de 110 ans d’incarcération.

Pour avoir passé autant de temps en immersion auprès de SBF, Lewis s’est exposé à une volée de bois vert de la part de la presse américaine ; le New York Times par exemple a écrit à son propos que Sam Bankman-Fried avait offert une première loge à Michael Lewis, d’où il n’avait rien remarqué du spectacle. Effectivement, le lecteur aura du mal à échapper à l’impression que Lewis est tombé amoureux de son sujet. Il n’empêche, Michael Lewis est un narrateur de grand talent, qui connaît à fond le monde de la finance, et qui demeure sans rival dès lors qu’il s’agit d’illustrer ce monde-là à l’aide de vignettes, qui le rendent accessible à un large public. Rédigé dans une langue toujours vive, Going Infinte s’inscrit dans cette veine et se révèle d’une lecture très agréable.

Au fond, l’histoire de SBF est aussi vieille que le monde : un homme juge ses talents illimités et s’en va à la conquête du monde et de ses milliards, s’élève dans le ciel et retombe fracassé à terre pour s’être avancé trop près du soleil. Ne dit-on pas à ce propos en anglais the sky is the limit pour décrire des ambitions démesurées ? Sam Bankman-Fried est un Icare de notre temps. De l’avis de La Nouvelle Ligne, Icare bénéficie de circonstances atténuantes dans la mesure où il a tenté d’inventer l’aviation, plutôt que les crypto-devises, dont l’utilité sociale reste à démontrer.

Michael Lewis, Going Infinite, WW Norton, 2023.

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