Du Melting Point au Melting Pot
De 1870 à 1914, environ deux millions de juifs d’Europe centrale émigrent vers les Etats-Unis, où ils débarquent à New York. De 1907 à 1914 à peine dix mille gagent le Texas dans le cadre d’une opération connue depuis lors comme le Galveston Mouvement, du nom de ce port texan, et au sein de laquelle David Jochelmann, l’arrière-grand-père de l’auteur, joue un rôle clé.
Le manifeste de Theodor Herzl
En 1896, l’avocat viennois Theodor Herzl publie son manifeste, l’État juif, dans lequel il plaide en faveur de la création d’une nation juive en Palestine. Mais ce qui nous paraît aujourd’hui comme une réalité manifeste, ne l’est absolument pas aux alentours de 1900. Tout d’abord, si la bourgeoise juive viennoise s’émeut du sort brutal que les autorités tsaristes réservent aux juifs de la zone de peuplement, il n’est pas question pour elle de quitter ses hôtels particuliers de la Ringstrasse pour aller planter une tente dans le désert.
La Palestine, une destination parmi d’autres
Ensuite, si la Palestine est la patrie souhaitée par Herzl, elle fait alors partie de l’empire ottoman qui n’entend pas lui donner satisfaction. Bien plus, l’idée même selon laquelle les Juifs doivent disposer d’un État paraît alors incongrue à certains, y compris au sein du judaïsme, tandis que le choix de la Palestine suggéré par Herzl n’en est qu’un parmi d’autres, Madagascar, l’Afrique de l’Est, ou encore justement le Texas.
Le Texas, la suggestion d’un Melting Point alternatif
Le Galveston Mouvement naît de l’observation que les juifs qui s’entassent à New York y vivent dans le ghetto de l’East Side dans des conditions sordides. Surtout, il n’y a plus de place alors que l’immensité de l’ouest américain est vide. Un homme est à l’origine de ce projet, Israël Zangwill, un auteur anglais alors au faîte de sa renommée, dont le titre d’une des pièces de théâtre, The Melting Pot, passera à la postérité pour désigner le creuset américain dans lequel se fondent toutes les populations immigrées. Quant à David Jochelmann, il lui revient de persuader sur place les populations juives de Pologne et d’Ukraine de faire le choix du Texas plutôt que celui de New York.
Rachel Cockerell avait entamé la rédaction de son livre de manière conventionnelle, où elle rédige un récit sur la base des sources sur lesquelles elle s’appuie. A la relecture de son manuscrit, elle éprouve un sentiment de gêne face à son propre texte, dont elle estime qu’il masque plutôt qu’il n’éclaire l’histoire. Elle prend alors la décision audacieuse de se retirer entièrement de son livre et de ne laisser parler que ses sources, articles, discours, lettres et souvenirs. En marge de ces enjeux historiques, Cockerell traitera de sa famille en Angleterre en faisant usage du même procédé sur un mode mineur.
Melting Point, un procédé narratif remarquable
De l’avis de La Nouvelle Ligne, il en résulte un procédé narratif remarquable, qui non seulement se distingue d’un simple collage, mais au contraire qui aboutit à un récit qui paraît au lecteur être vécu en temps réel. Bien plus, La Nouvelle Ligne estime que Cockerell est bien l’auteur de ce livre dont elle n’a en définitive pas écrit un seul mot. Cockerell agit au fond à la manière d’un metteur en scène qui introduit ses personnages au lecteur, insuffle le rythme et le ton et crée une véritable intensité dramatique. Au fond, son absence révèle et constitue sa présence.
Rachel Cockerell, Melting Point, Wildfire, 2024
Le voyage d’ Europe à Galveston , port du Texas, était moins coûteux car le navire rentrait avec des merchandises ce qui n’ était pas le cas au retour de New York mais Galveston à cette époque souffrait des conséquences des ouragans particulièrement destructeur de 1900 et 1901.
Galveston était à la fin de la guerre civile la seule ville du sud financièrement stable car son or avait été envoyé à Londres….