La vie bouleversante d’Etty Hillesum.
Que veut dire ce titre et qui est Etty Hillesum ? Esther (ou Etty) naît à Amsterdam en 1914 et meurt à Auschwitz en 1943 ; bien entendu elle est juive. Non seulement elle est juive mais elle est issue d’une famille bourgeoise, intellectuelle, agnostique et qui au fond n’a qu’une conscience diffuse de sa propre judéité. Alors, une autre Anne Frank, moins connue parce qu’on n’en aurait pas tourné un film ? Non, si une autre personne lui ressemble, ce serait sans doute Edith Stein qui connaîtra le même destin au terme d’un cheminement similaire.
Née il y a plus d’un siècle, Etty Hillesum mène une vie que nous qualifierions de « moderne » ; jeune femme éduquée à l’université, en proie à des tourments psychologiques, elle poursuit une vie libérée dont la marque demeure une activité sexuelle débridée : elle aime les amants. Dans le milieu de l’intelligentsia juive d’Amsterdam d’avant-guerre elle fait la connaissance de Julius Spier, psychanalyste formé à l’école de Carl-Gustav Jung et qu’elle appellera « l’accoucheur de mon âme ». De cette rencontre en 1941 naîtra une conversion c’est-à-dire la poursuite de la vie sur un chemin nouveau, un chemin spirituel d’une densité exceptionnelle. Surtout, cette rencontre l’incitera à rédiger un journal qu’elle tiendra jusqu’à sa déportation en 1943 et qui verra le jour en 1981 sous le titre « Une vie bouleversée ».
Marie-Hélène du Parc
Marie-Hélène du Parc, philosophe et théologienne, soutient en 2009 une thèse à l’Institut catholique de Toulouse, qui donnera lieu deux ans plus tard à la publication de ce livre à destination d’un public plus vaste et qui fournit une excellente introduction à la vie et à la spiritualité d’Etty Hillesum.
Visiblement bouleversée elle-même par son sujet, que nous dit-elle qu’on n’ait déjà écrit à propos d’Etty Hillesum ? Car les écrits d’Etty Hillesum ont connu un succès considérable et ont constitué et constituent encore une source d’inspiration spirituelle profonde pour un grand nombre de ses lecteurs. Marie-Hélène du Parc, comme le titre de son livre l’indique, part à la recherche du sens de la souffrance à la lumière des écrits d’Etty Hilversum.
Qu’on plante bien le décor : Etty Hillesum tient son journal et rédige ses lettres dans l’enceinte du camp de transit de Westerbork au nord du pays, où les troupes d’occupation ont regroupé les Juifs des Pays-Bas et d’où tous les mardis s’ébranle un train en direction de l’Est. Etty n’est pas aveugle : elle sait bien qu’on ne revient pas de ces trains-là. Face à l’évidence de l’extrême souffrance et du désespoir de certains, Etty Hillesum couche pourtant ses écrits dans un langage lumineux, d’où jaillit à tout moment sa foi dans la vie qu’elle appelle « belle et bonne ».
Etty Hillesum ou le sens de la souffrance
Etty Hillesum amène donc Marie-Hélène du Parc à s’interroger sur la signification de la souffrance, «consubstantielle de la vie», à une époque où notre société s’attache non seulement à nier ou cacher la souffrance mais à proposer des modèles où le bonheur est défini comme l’absence de souffrance. Car si l’animal éprouve la douleur, seul l’homme connaît la souffrance, selon la parole magistrale de Jean-Paul II (Salvifici Doloris). Cette signification est du reste suggérée par la seconde moitié du titre, «tant aimer», non seulement parce qu’Etty s’interdit de haïr ses persécuteurs, non seulement parce qu’elle se refuse les possibilités d’échapper aux trains et donc au destin des siens mais parce qu’elle fait l’expérience que ce n’est que dans l’acceptation de la souffrance que se trouve l’amour. De cette rencontre naît la joie.
C’est en ce sens qu’Etty Hillesum est la compagne d’Edith Stein et de Dietrich Bonhoeffer, une juive, une juive catholique et un protestant de l’église confessante dont la vie à tous trois se situera au confluent de l’amour et de la souffrance, là où se pétrit la glaise de la nature humaine.
Le bel essai de Marie-Hélène du Parc rend témoignage de la destinée d’une grande âme qui, en acceptant tout de la passion de la vie, y découvre la part de divin en l’homme.
« Tant souffrir et tant aimer » selon Etty Hillesum par Marie-Hélène du Parc Locmaria, éditions Salvator, 248 pages.
Comme l’intercession de personnage emblématique de leur époque semble nécessaire à la tenue de ce blog, qu’il me soit permis de rappeler ici la mémoire de Véronique du Parc Locmaria (famille de l’auteur de ce livre) , médecin humble, discrète et engagée. Elle consacra sa vie jusqu’au bout de sa maladie, au service des plus démunis, en Amérique Latine d’abord et dans le quartier des Marolles à Bruxelles ensuite. Elle connaissait mieux que d’autres les douleurs de ceux qu’elle soignait, afin d’alléger leur souffrance … n’était ce pas là un témoignage chrétien dans sa plénitude ?
Merci Bernard, Véronique du Parc était ma cousine issue-de-germain.
Merci Bernard . Votre témoignage à propos de Véronique du Parc Locmaria ( ma cousine Germaine ) est touchant et reflète parfaitement la personne exceptionnelle qu’elle était, toujours joyeuse et positive, tournée vers les autres en faisant abstraction d’elle-même et de son terrible cancer.
Nous sommes tous fiers de Veronique qui restera dans nos coeurs pour toujours.